Difficulté : Plutôt facile
Préparation : Rapide
Quantités : Pour 4 personnes 


Le Arme Ritter allemand est l'équivalent de notre pain perdu, avec des services peut-être un poil plus variés et intéressant. Ça me semblait original de commencer la cuisine allemande par un plat qu'on considère comme français. 

 

Parce que oui, le pain perdu n'est pas plus français que le pain tout court. Si vous pensiez qu'on était les leaders dans le domaine, sachez qu'on est au moins ex aequo avec l'Allemagne et la Turquie, si ce n'est derrière ces pays en terme de variétés.

 

Quand au pain perdu ? On en retrouve des traces assez loin dans l'Histoire. 

Dans le De Re Coquinaria, daté du 1er siècle, on mentionne déjà un plat nommé "Aliter Dulcia", qu'on pourrait traduire par "une autre douceur" ou "un autre sucrerie". Pas de sucre bien sûr pour l'époque, mais du pain sans croûte imbibé dans le lait puis passé au four. Une autre version fait même directement revenir le pain dans une poêle avec de l'huile d'olive. Une fois chaud et doré, on répand par dessus du miel, on perce le pain pour qu'il s'en imprègne et on y ajoute un peu de poivre moulu. Assez proche de notre recette actuelle au final. On évoque souvent sur internet un certain "pan dulcis" qui utiliserait du lait mais je n'en ai pas trouvé de source.

Plus proche encore vient vers 1300 la recette des toastées dorées du Viandier de Taillevent, en France. Les tranches de pain sont grillées avant imbibage, mais ce dernier se fait seulement avec des jaunes d’œufs et sans lait, avant de dorer le tout à la poêle. Peu après, d'autres manuscrits médiévaux en Angleterre, en Italie, en Espagne et en Allemagne évoquent des recettes similaires, parfois au lait, parfois au oeufs. 

 

C'est semblerait-il dès le XIVème siècle, dans le Saint-Empire Romain germanique, que le nom "arme ritter" ou "armer ritter" est utilisé pour de tels plats. On cite parfois comme source le Buoch von guoter spîse de 1350 mais je n'ai rien trouvé en le consultant. 

Ce nom signifie "pauvre chevalier". 

Certains avancent l'idée que c'est parce que c'est un plat de pauvre, au vu du pain sec qui sert souvent de base. Pourtant, l'utilisation de sucre plus souvent que de miel ainsi que l'usage du lait sans transformation laissent penser que le plat est tout sauf réservé aux classes sociales les plus basses. Le sucre est une épice prisée et le lait sert avant tout au beurre, éventuellement au fromage. Même le miel est loin d'être donné à ces époques et dans ces régions. Autant dire que si on a des difficultés financières, il y a mieux à faire avec son argent pour se sustenter.

Une explication non confirmée mais plus crédible est qu'un chevalier pauvre, qui doit s'armurer et payer son cheval et ses armes pour une fortune et n'ayant plus de fonds pour le reste est comparable à ce pain sec imbibé et recouvert d'ingrédients hors de prix.

 

 

Il faut garder en tête que ce nom n'est qu'un parmi tous ceux qu'a connu le plat, en Allemagne ou ailleurs. Si on l'appelle "pauvre chevalier" jusque dans les pays scandinave, il a aussi pu être nommé dans différentes langues "pain aux œufs", "croûte dorée", "pain gagné", "pain poilu" ou encore "pain espagnol", "pain allemand", "pain anglais" et, le plus connu, "pain français" ou "french toast". Ce sont les états-uniens, très friands du plat, qui ont popularisé ce nom, probablement pour le vendre plus cher grâce à la réputation culinaire passée de la France. En Angleterre, on retrouve apparemment déjà le nom de "pain perdu", comme chez nous, dès le XVème siècle.

 

Enfin, dire "chez nous" c'est sans parler de tous les noms régionaux comme "dodines", "pain ferré", "pain crotté" ou encore "galopin".

 

Bref, le pain perdu existe depuis très longtemps et s'est répandu très loin, d'où ces noms variés. Et il a continué à se répandre lors des grandes explorations et de la période coloniale. On retrouve des versions exotiques comme le Bombay toast indien ou le sāidōsí de Hong-Kong.

 

Alors pourquoi choisir l'Allemagne pour le représenter ? 

Et bien c'est assez subjectif mais comme on l'a vu, l'origine première du plat vient de la Rome Antique, et l'héritier le plus légitime de Rome en Occident est à mon sens bien plus le Saint-Empire Romain germanique que l'Italie.

Ensuite, parce que l'Allemagne a eu une influence assez durable sur les pays scandinaves pour imposer le même nom alors qu'en France, même en métropole, "pain perdu" ne fait pas l'unanimité. 

Aussi, parce que les services à l'allemande sont plus variés et incluent autant le sucre glace que le miel, la crème anglaise, les fruits ou le sucre à la canelle qu'on retrouve aussi avec les gaufres.

Enfin, et c'est peut être ce qui a joué en premier je l'avoue, pour démentir cette appellation internationale de "french toast" que je trouve peu légitime.

 

Mais pas d’inquiétude si vous êtes chauvin. Vous pourrez tout aussi bien réaliser la recette et l'appeler "pain perdu", et personne n'en saura rien.

Une version avec sucre à la cannelle et crème anglaise.


Ingrédients

  • 1 brioche en tranches de 2cm environ d'épaisseur
  • 250 ml de lait entier
  • 2 œufs 
  • 2 càs de sucre
  • Une pincée de sel
  • Du beurre
  • (Optionnel) 100g de sucre supplémentaire et 25g de cannelle moulue

Réalisation

  • Préchauffer le four à 100° Celsius sans chaleur tournante.

  • Dans un saladier, battre les œufs avec le lait, le sucre et la pincée de sel jusqu'à ce que le mélange soit homogène.

  • Faire chauffer une grande poêle à feu moyen et y faire fondre un morceau de beurre.

  • Tremper 4 tranches de brioche des deux côtés dans le mélange lait et œufs avant de les placer dans la poêle. Laisser revenir quelques minutes en surveillant attentivement, vérifier que la brioche soit bien doré et retourner. Surveiller de la même manière. 

  • Placer les tranches dorées dans une lèche frite et placer au four pour qu'elles restent chaudes.

  • Recommencer avec le reste de la brioche jusqu'à épuisement en plaçant chaque fournée au four pour que les tranches restent chaudes.

Gutten Appetit !


Source : La recette simple et efficace de Gerhild Fulson du site Quick German Recipes, en anglais, avec quelques petites différences de préparation.


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