Hünkâr Beğendi

Publié le 5 août 2025 à 16:26

Difficulté : Plutôt facile

Préparation : Assez longue

Quantité : Pour 4 personnes


Le hünkâr beğendi, ou "délice du sultan" comme il est parfois traduit en français, est un plat très original et un des préférés, si ce n'est le préféré de ma compagne. 

Elle qui adore l'aubergine, la béchamel et l'agneau en ragoût,  elle ne peut qu'être sous le charme.

 

En effet, le plat consiste en une sauce béchamel épaisse, souvent agrémentée de fromage (ce qui n'en fait pas une sauce Mornay puisqu'il manquerait un jaune d'œuf), le tout mélangé à de la chair d'aubergine rôtie et surmontée de ragoût d'agneau à la sauce tomate assez classique en turquie appelé "tas kebab".

 

"Hünkâr beğendi" veut littéralement dire "le chef/sultan a aimé". Si le premier mot du plat se prononce de manière assez instinctive, le deuxième se prononce approximativement "behendi", presque comme si cette lettre "ğ" n'existait pas. D'où l'importance des accents même si il est souvent simplifié à l'écrit en "hunkar bengendi".

Mais pourquoi ce nom ?

Plusieurs légendes parle de la naissance du plat et de son rapport à un sultan.

Une des plus connues et des plus partagées raconte que l'impératrice et épouse de Napoléon III, Eugénie, aurait entretenu vers 1869 une relation avec le sultan ottoman Abdülaziz et emmené sa recette de sauce béchamel avec ses cuisiniers jusqu'au palais de Dolmabahçe. 

Sauf que, si elle s'est bien rendu sur place, rien ne justifie de supposer une telle relation. De plus, une recette de 1844 évoque déjà le hünkâr beğendi comme une spécialité des "cuisiniers catholiques".

Une autre légende raconte qu'on doit le plat au Sultan Mourad IV pour qui on le prépare au palais de Topkapi. Le sultan étant particulièrement difficile a satisfaire culinairement parlant, c'est avec soulagement que les cuisiniers se seraient exclamé "le sultant a aimé !" au moment ou Mourad IV aurait donne son approbation.

Parfois, on dit aussi qu'il aurait goûté le plat à son retour de chasse dans une humble maisonnée. Ça, c'est un classique des légendes d'origines de plats liés à des souverrains qui s'avèrent souvent erronées.

Le tout est malheureusement assez improbable du fait que l'aubergine n'est véritablement adopté par les turques qu'au cours du XVIIème siècle, tout comme la technique de la béchamel qui est perfectionné en France à la même époque. Si ça ne rend pas la légende impossible, le plat aurait tout de même été très en avance pour son temps.

L'explication la plus plausible à mon sens, c'est que les contacts entre l'Empire de Napoléon et l'Empire Ottoman lors de la campagne d'Egypte ont rapproché les deux cultures. C'est l'époque où on commence, grâce notamment au travail de Carème, à engager des cuisiniers français dans les familles aristocrates de nombreux pays. Les nobles de l'Empire Ottoman engageaient alors souvent des cuisiniers français et turques, et c'est probablement a l'issu de ces échanges qu'est apparue la fameuse "spécialité de cuisiniers catholiques" dont on parlait plus tôt. 

 

Si certains cuisiniers turques continuent de préparer une simple béchamel aux aubergines, la plupart des recettes que j'ai pu trouver (comme celle en source) ajoutent du fromage dans le mélange. Ce n'est pas obligatoire pour avoir un plat goûteux mais ça rajoute encore plus de réconfort à ce plat déjà fondant et j'avoue faire pareil. J'utilise du kasar peynir, le même fromage que pour les kaşarlı pide, mais un emmental ou une mimolette devraient pouvoir dépaner. Bon, le plat est déjà assez calorique, alors on peut aussi s'en passer à l'occasion.
Pour le piment, il est systématiquement présent dans les recettes, mais comme ma compagne n'aime pas ça et que c'est un super plat pour les enfants, j'ai tendance à en faire sans en mettre. Mais si tout le monde mange du piment chez vous, il vaut mieux ne pas l'oublier. Ca fonctionne vraiment très bien avec les autres saveurs.

Assez étrangement, tout le monde semble systématiquement présenter le plat avec du persil ciselé, sans qu'il n'y en ait dans la recette. Si il est vrai que cela réhausse le plat en rajoutant de la couleur lors de la présentation, j'ai toujours trouvé bizarre de ne pas l'utiliser dans la recette autrement que pour la décoration. Du coup, et même si ça n'a absolument rien de traditionnel, j'utilise les queues de persil et j'en fait un bouquet garni avec les feuilles de laurier. Ça évite de gâcher et ça rajoute une subtile profondeur au ragoût de viande.

 

Une version au tas kebab moins concentré, avec du thym frais à la place du persil.


Ce n'est pas obligatoirement mais, comme dans ma recette de bābā ghannūj, j'aime récupérer l'eau expulsée par les aubergines à la cuisson. C'est un truc qui fonctionne uniquement si on rôti les aubergines au four, sinon il faudra privilégier si possible un barbecue pour gagner un magnifique goût fumé. Mais comme j'ai rarement l'occasion de cuisiner au barbecue, pour moi ce sera four et donc cette petite astuce.
De la même manière qu'avec le bābā ghannūj, je le réduit dans une casserole jusqu'à obtenir un fond visqueux et sucré, et je le rajoute ensuite à ma chair d'aubergine égouttée. On évite ainsi de jeter et on gagne un goût plus intense tout sauf inutile dans cette recette.

Pour le service, le plat fonctionne très bien avec du pain type pide ou autre et, surtout quand on a choisi la version pimentée, on peut l'accompagner avantageusement avec un grand verre d'ayran bien frais.


Ingrédients

 

  • 1 kg d'épaule d'agneau, os inclus
  • 2 càs de concentré de tomate
  • 4 oignons
  • 1 poivron rouge
  • 5 gousses d'ail
  • Du piment en paillette (optionnel)
  • Une poignée de persil
  • 6 petites aubergines
  • 100 g de farine
  • 100 g de beurre
  • 1 L de lait
  • 300 g de kasar peynir (optionnel)
  • De l'huile d'olive
  • Du sel
  • Du poivre

Réalisation

 

  1. Préchauffer le four à 250 degrés Celsius et préparer les aubergines sur une plaque de cuisson en les perforant sur tous les côtés. 

  2. Découper la viande d'agneau en bouchées de 3 à 4 cm, sans débarrasser forcément l'os de toute sa viande.

  3. Enfourner les aubergines pour au moins 15 minutes avant de les retourner pour au moins 15 autres minutes. La peau doit être brûlée et noircie.

  4. Pendant ce temps, faire chauffer une cocotte ou un tagine sur feu vif jusqu'à ce que le fond dépasse les 210 degrés. Marquer en cuisson les morceaux d'agneau de chaque côté dans un fond d'huile d'olive. Couper le feu et réserver, déglacer le fond avec un peu d'eau.

  5. Quand l'aubergine est prête, sortir du four et laisser refroidir. Éplucher l'oignon et retirer le cœur du poivron. Les tailler en brunoise avant de les faire revenir à feu moyen dans la cocotte ou le tagine avec un peu plus d'huile d'olive.

  6. Une fois l'oignon translucide, continuer la cuisson en remuant et éplucher et râper les gousses d'ail. Les ajouter au reste et les faire revenir jusqu'à sentir leur parfum se dégager.

  7. Baisser à feu doux, déglacer avec 10 cl d'eau et ajouter le concentré de tomate, le piment (optionnel), les feuilles de laurier et les queue du persil. Saler et poivrer. Bien mélanger, remettre la viande par dessus et fermer le couvercle pour 2h de cuisson. Penser à remuer de temps en temps.

  8. Récupérer pendant ce temps la chair d'aubergine et jeter la peau. Hacher puis égoutter la chair d'aubergine dans une passoire et bien recueillir le liquide pendant une heure.

  9. Au bout d'une heure, faire réduire le liquide recueilli dans une petite casserole à feu vif jusqu'à obtenir un fond de liquide épais.

  10. Si le ragoût d'agneau est trop liquide, retirer le couvercle etla viande et faire réduire à feu vif.

  11. Faire fondre le beurre dans une grande casserole puis y ajouter la farine en remuant au fouet. Y adjoindre petit à petit le lait pour obtenir une béchamel épaisse.

  12. Y ajouter la chair et le liquide concentré d'aubergine.

  13. (Optionnel) Découper le fromage en petits morceaux et l'ajouter au reste, puis bien remuer pour qu'il fonde. Sans cette étape, il faudra penser à saler la préparation.

  14. Servir dans chaque assiette la béchamel à l'aubergine surmontée du ragoût d'agneau à la tomate et décorer de feuilles de persil ciselées.


Source : La recette très bien faite d'Elif du site Ma Cuisine Turque. J'ai juste augmenté et modifié un peu les quantités, et ajouté des petites étapes en plus.

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